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contre la nation. » C’est qu’au lieu de consulter des notables en privilèges, il aurait fallu consulter des notables en lumières. Les plus petits particuliers ne s’y trompent pas, lorsqu’ils ont à demander conseil dans leurs affaires, ou dans celles des gens qui les intéressent véritablement.

M. Necker s’est abusé. Mais pouvait-il imaginer que ces mêmes hommes, qui avaient voté pour admettre le tiers en nombre égal dans les assemblées provinciales, rejetteraient cette égalité pour les états généraux ? Quoi qu’il en soit, le public ne s’y est point trompé. On l’a toujours entendu désapprouver une mesure dont il prévoyait l’événement, et à laquelle, dans la meilleure supposition, il attribuait des lenteurs préjudiciables à la nation. Il semble que ce serait ici le lieu de développer quelques-uns des motifs qui ont inspiré la majorité des derniers notables. Mais n’anticipons pas sur le jugement de l’histoire ; elle ne parlera que trop tôt pour des hommes qui, placés dans la plus belle des circonstances et pouvant dicter à une grande nation ce qui est juste, beau et bon, ont mieux aimé prostituer cette superbe occasion à un misérable intérêt de corps. Les tentatives du ministère, comme l’on voit, n’ont pas produit d’heureux fruits en faveur du tiers.

3. Écrivains patriotes des deux premiers ordres.

C’est une chose remarquable que la cause du tiers ait été défendue avec plus d’empressement et de force par des écrivains ecclésiastiques et nobles, que par les non-privilégiés eux-mêmes. Je n’ai vu dans les lenteurs du tiers état que l’habitude du silence et de la crainte dans l’opprimé, ce qui présente une preuve de plus de la réalité de l’oppression. Est-il possible de réfléchir sérieusement sur les principes et la fin de l’état de société, sans être révolté jusqu’au fond de l’âme de la monstrueuse partialité des