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Il est naturel de croire que, les affaires publiques se traitant dans ces assemblées, sans égard à l’ordre personnel, il se serait bientôt formé une communauté d’intérêts entre les trois ordres, qui aurait été, par conséquent, l’intérêt général ; et la nation aurait fini par où toutes les nations auraient dû commencer, par être une.

Tant de bonnes vues ont échappé à l’esprit si vanté du principal ministre. Ce n’est pas qu’il n’ait très bien vu l’intérêt qu’il voulait servir ; mais il n’a rien compris à la valeur réelle de ce qu’il gâtait. Il a rétabli la division impolitique des ordres personnels ; et quoique ce seul changement entraînât la nécessité de faire un nouveau plan, il s’est contenté de l’ancien, pour tout ce qui ne lui paraissait pas choquer ses intentions ; et il s’étonnait ensuite des mille difficultés qui sortaient tous les jours du défaut de concordance. La noblesse surtout ne concevait pas comment elle pourrait se régénérer dans des assemblées où l’on avait oublié les généalogistes. Ses anxiétés, à cet égard, ont été plaisantes pour les observateurs. Parmi tous les vices d’exécution de cet établissement, le plus grand a été de le commencer par les toits au lieu de le reposer sur ses fondements naturels, l’élection libre des peuples. Mais, au moins, ce ministre, pour rendre hommage aux droits du tiers état, lui annonçait-il un nombre de représentants pour son ordre égal à ceux du clergé et de la noblesse réunis. L’institution est positive sur cet article. Qu’en est-il arrivé ? Que l’on a fait nommer des députés au tiers parmi les privilégiés. Je connais une de ces assemblées où, sur cinquante-deux membres, il n’y en a qu’un seul qui ne soit pas privilégié. C’est ainsi qu’on sert la cause du tiers, même après avoir publiquement annoncé qu’on veut lui rendre justice !

2. Notables.

Les notables ont trompé l’espoir de l’un et de l’autre ministre. Rien n’est plus juste, à leur égard, que l’excellent coup de pinceau de M. C. « le roi les a rassemblés deux fois autour de lui pour les consulter sur les intérêts du trône et de la nation. Qu’ont fait les notables en 1787 ? Qu’ont fait les notables en 1788 ? Ils ont défendu leurs privilèges