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confraternité fait que les nobles se préfèrent entre eux, et pour tout, au reste de la nation. L’usurpation est complète ; ils règnent véritablement.

Qu’on lise l’histoire avec l’intention d’examiner si les faits sont conformes ou contraires à cette assertion, et l’on s’assurera, j’en ai fait l’expérience, que c’est une grande erreur de croire que la France soit soumise à un régime monarchique. Ôtez de nos annales quelques années de Louis XI, de Richelieu, et quelques moments de Louis XIV, où l’on ne voit que despotisme tout pur, vous croirez lire l’histoire d’une aristocratie aulique. C’est la cour qui a régné et non le monarque. C’est la cour qui fait et défait, qui appelle et renvoie les ministres, qui crée et distribue les places, etc. Et qu’est-ce que la cour, sinon la tête de cette immense aristocratie qui couvre toutes les parties de la France, qui, par ses membres, atteint à tout et exerce partout ce qu’il y a d’essentiel dans toutes les parties de la chose publique ? Aussi le peuple s’est-il accoutumé à séparer dans ses murmures le monarque des moteurs du pouvoir. Il a toujours regardé le roi comme un homme si sûrement trompé et tellement sans défense au milieu d’une cour active et toute-puissante, qu’il n’a jamais pensé à s’en prendre à lui de tout le mal qui s’est fait sous son nom. Résumons : le tiers état n’a pas eu jusqu’à présent de vrais représentants aux états généraux. Ainsi ses droits politiques sont nuls.

Chapitre 3. Que demande le tiers état ? à devenir quelque chose.

Il ne faut point juger de ses demandes par les observations isolées de quelques auteurs plus ou moins instruits des droits de l’homme. L’ordre du tiers état est encore fort reculé à cet égard, je ne dis pas seulement sur les lumières de ceux qui ont étudié l’ordre social, mais encore sur cette masse d’idées communes qui forment l’opinion publique. On ne peut apprécier les véritables pétitions de cet ordre que par les réclamations authentiques que les grandes municipalités