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fécond, pourra y ajouter, et ne puisse s’élever, dans sa place légale, le bonheur le plus conforme à ses goûts et le plus digne d’envie. La loi, en protégeant les droits communs de tout citoyen, protège chaque citoyen dans tout ce qu’il peut être, jusqu’au moment où ce qu’il veut être commencerait à nuire au commun intérêt.

Peut-être reviens-je un peu trop sur les mêmes idées, mais je n’ai pas le temps de les réduire à leur plus parfaite simplicité, et d’ailleurs, ce n’est pas lorsqu’on représente des notions trop méconnues qu’il est bon d’être si concis. Les intérêts par lesquels les citoyens se ressemblent sont donc les seuls qu’ils puissent traiter en commun, les seuls par lesquels, et au nom desquels ils puissent réclamer des droits politiques, c’est-à-dire une part active à la formation de la loi sociale, les seuls par conséquent qui impriment au citoyen la qualité représentable. Ce n’est donc pas parce qu’on est privilégié, mais parce qu’on est citoyen, qu’on a droit à l’élection des députés et à l’éligibilité. Tout ce qui appartient aux citoyens, je le répète, avantages communs, avantages particuliers, pourvu que ceux-ci ne blessent pas la loi, ont droit à la protection, mais l’union sociale n’ayant pu se faire que par des points communs, il n’y a que la qualité commune qui ait droit à la législation. Il suit de là que l’intérêt de corps, loin d’influer dans la législature, ne peut que la mettre en défiance ; il est aussi opposé à l’objet qu’étranger à la mission d’un corps de représentants.

Ces principes deviennent plus rigoureux encore quand il s’agit des corps et des ordres privilégiés. J’entends par privilégié tout homme qui sort du droit commun, soit parce qu’il prétend n’être pas soumis en tout à la loi commune, soit parce qu’il prétend à des droits exclusifs. Une classe privilégiée est nuisible, non seulement par l’esprit de corps, mais par son existence même. Plus elle a obtenu de ces faveurs nécessairement contraires à la liberté commune, plus il est essentiel de l’écarter de l’Assemblée nationale. Le privilégié ne serait représentable que par sa qualité de citoyen ; mais en lui cette qualité est détruite, il est hors du civisme, il est ennemi des droits communs. Lui donner un droit à la représentation