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son remède. La grande difficulté vient de l’intérêt par lequel un citoyen s’accorde avec quelques autres seulement. Celui-ci permet de se concerter, de se liguer ; par lui se combinent les projets dangereux pour la communauté ; par lui se forment les ennemis publics les plus redoutables. L’histoire est pleine de cette vérité.

Qu’on ne soit donc pas étonné si l’ordre social exige avec tant de rigueur de ne point laisser les simples citoyens se disposer en corporations, s’il exige même que les mandataires du pouvoir exécutif, qui, par la nécessité des choses forment de véritables corps, renoncent, tant que dure leur emploi, à être élus pour la représentation législative. Ainsi, et non autrement, l’intérêt commun est assuré de dominer les intérêts particuliers. À ces seules conditions, on peut se rendre raison de la possibilité de fonder les associations humaines sur l’avantage général des associés, et par conséquent s’expliquer la légitimité des sociétés politiques. Les mêmes principes font sentir avec non moins de force la nécessité de constituer l’assemblée représentative elle-même sur un plan qui ne lui permette pas de se former un esprit de corps, et de dégénérer en aristocratie. De là, ces maximes fondamentales, suffisamment développées ailleurs, que le corps des représentants doit être régénéré par tiers tous les ans ; que les députés qui finissent leur temps, ne doivent être de nouveau éligibles qu’après un intervalle suffisant pour laisser au plus grand nombre possible de citoyens, la facilité de prendre part à la chose publique, qui ne serait plus, si elle pouvait être regardée comme la chose propre à un certain nombre de familles, etc., etc.

Mais, lorsqu’au lieu de rendre hommage à ces premières notions, à ces principes si clairs et si certains, le législateur crée, au contraire, lui même des corporations dans l’état, avoue toutes celles qui se forment, les consacre par sa puissance, quand enfin il ose appeler les plus grandes, et par conséquent les plus funestes, à faire partie, sous le nom d’ordres, de la représentation nationale, on croit voir le mauvais principe s’efforçant de tout gâter, de tout ruiner, de tout bouleverser parmi les hommes. Pour combler et