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nous, du sang au visage, et le maître l’aime bien. Il y a moins de danger pour lui que pour nous.

Le Germain Gulon, vieil esclave, qui avait veillé sur les premières années de Vinicius et que le jeune tribun avait hérité de sa mère, sœur de Pétrone, leur dit :

— Je parlerai, mais nous irons tous, pour que sa colère ne tombe pas sur moi seul.

Durant ce temps, Vinicius s’impatientait. Pétrone et Chrysothémis s’en amusaient ; il arpentait l’atrium à pas précipités en répétant :

— Ils devraient déjà être ici !… Ils devraient déjà être ici !

Il voulut sortir, mais ils le retinrent.

Soudain, dans l’antichambre, des pas retentirent et une horde d’esclaves pénétra dans l’atrium ; rangés le long du mur, ils levèrent les mains et gémirent : « Aaaa !… Aa ! »

Vinicius bondit sur eux.

— Où est Lygie ? — cria-t-il d’une voix terrible et angoissée.

— « Aaaa !  !  !… »

Gulon s’avança, le visage ensanglanté et s’écria, d’une voix larmoyante :

— Vois le sang, seigneur ! Nous l’avons défendue ! Vois le sang, seigneur ! Vois le sang !…

Il n’en dit pas plus. D’un flambeau de bronze, Vinicius lui brisa le crâne. Puis, se prenant la tête à deux mains, s’enfonçant les doigts dans les cheveux, il râla :

Me miserum ! Me miserum !

Sa face bleuit, ses yeux se révulsèrent, sa bouche écuma.

— Les verges ! — cria-t-il enfin d’une voix sauvage.

— Seigneur ! Aaa !… Pitié ! — gémissaient les esclaves.

Pétrone se leva avec une moue d’écœurement.

— Viens, Chrysothémis, — dit-il. — Si tu veux voir de la viande, je ferai prendre d’assaut l’étal d’un boucher aux Carines.

Et ils quittèrent l’atrium.

Dans la maison parée de verdure et préparée pour le festin, les gémissements des esclaves et le sifflement des verges durèrent jusqu’au matin.

Chapitre XI

Cette nuit-là, Vinicius ne se coucha point. Après le départ de Pétrone, les gémissements des esclaves fouettés n’ayant apaisé ni son chagrin, ni sa fureur, il se mit à la tête d’un autre groupe