Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/78

Cette page n’a pas encore été corrigée

moins remarquables, et l’œuvre d’artistes en renom. Quelques-unes des lampes atténuaient leur éclat sous des globes de verre d’Alexandrie, d’autres à travers des gazes de l’Indus, rouges, bleues, jaunes, violettes, si bien que l’atrium reflétait toutes les nuances. L’air était saturé de nard, parfum auquel Vinicius s’était accoutumé en Orient. Le fond de la maison était de même éclairé, et on y voyait se mouvoir les silhouettes des esclaves des deux sexes. Dans le triclinium, quatre couverts étaient mis, car, outre Vinicius et Lygie, Pétrone et Chrysothémis devaient prendre part au festin.

Vinicius avait suivi le conseil de Pétrone, qui l’avait engagé à ne pas aller lui-même chercher Lygie, mais à en charger Atacin, muni de l’autorisation de César, tandis que lui, Vinicius, la recevrait dans sa maison avec affabilité, et aussi avec égard.

— Hier, tu étais ivre, — lui disait-il. — Je te regardais : tu agissais envers elle comme un carrier des Monts Albains. Ne sois pas trop entreprenant et souviens-toi qu’un bon vin demande à être dégusté à petits coups. Sache aussi que s’il est doux de désirer, il est plus doux encore d’être désiré.

Chrysothémis, sur ce point, était d’un autre avis ; mais Pétrone, tout en l’appelant sa vestale et sa colombe, lui montra la différence qu’il fallait établir entre un cocher rompu au métier du cirque et un adolescent qui dirige pour la première fois un quadrige.

Puis, se tournant vers Vinicius :

— Tâche de gagner sa confiance, mets-la en bonne humeur, sois généreux ! Je n’aimerais point assister à un festin funèbre. Jure-lui au besoin par Hadès que tu la rendras à Pomponia. Il dépendra de toi que demain matin elle préfère rester chez toi.

Et montrant Chrysothémis, il ajouta :

— Voici cinq ans que j’ai adopté cette ligne de conduite envers cette farouche tourterelle, et je n’ai point lieu de me plaindre de sa cruauté…

Chrysothémis le frappa de son éventail en plumes de paon :

— Ne t’ai-je donc point résisté, satyre !

— À cause de mon prédécesseur…

— Et tu n’étais pas à mes pieds ?

— Pour les sertir de bagues.

Chrysothémis jeta un coup d’œil involontaire sur ses orteils où, en effet, scintillaient des gemmes ; elle et Pétrone se mirent à rire. Mais Vinicius ne les écoutait point. Son cœur battait à coups irréguliers sous la robe festonnée de prêtre syriaque qu’il avait revêtue pour recevoir Lygie.

— Ils doivent déjà avoir quitté le palais, — murmura-t-il, comme se parlant à lui-même.