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statues, scintillait le miroir immobile des étangs, fleurissaient des bosquets de rosiers arrosés par la poussière des jets d’eau ; l’entrée des grottes pittoresques était masquée par du lierre et de la vigne ; sur les eaux voguaient des cygnes argentés ; parmi les statues et les arbres erraient des gazelles, ramenées des déserts africains, et des oiseaux au plumage éclatant, rapportés de tous les points du monde connu alors.

Les jardins semblaient déserts. Çà et là, quelques esclaves bêchaient en fredonnant ; d’autres, autorisés à se reposer, étaient assis au bord des étangs, sous l’ombrage des chênes, dans le miroitement des rayons qui transperçaient le feuillage ; d’autres enfin arrosaient les roses et les fleurs mauve pâle des safrans.

Les deux amies se promenèrent longuement, admirant les diverses merveilles des jardins ; et, bien que Lygie fût absorbée par d’autres pensées, elle avait conservé trop d’impressionnabilité juvénile pour ne pas s’intéresser et s’étonner à ce spectacle. Elle songeait même que si César eût été bon, il eût pu vivre heureux dans un tel palais et de pareils jardins.

Un peu fatiguées, elles s’assirent enfin sur un banc presque noyé dans la verdure des cyprès et se mirent à parler de ce qui étreignait le plus leur cœur, c’est-à-dire de la fuite de Lygie le soir même.

Acté était bien moins certaine que sa compagne du succès de l’entreprise. Parfois même il lui semblait que c’était là un projet insensé. Aussi, sa compassion pour Lygie ne faisait que s’en accroître. Elle songeait maintenant qu’il eût été cent fois plus sûr d’essayer de fléchir Vinicius.

De nouveau, elle questionna Lygie pour savoir si elle connaissait depuis longtemps Vinicius et si elle ne croyait pas pouvoir le décider à la rendre à Pomponia.

Mais Lygie secoua tristement sa mignonne tête aux cheveux sombres.

— Non. Dans la maison des Aulus, Vinicius était tout autre ; il était très bon. Mais, depuis le festin d’hier, j’ai peur de lui et je préfère m’en aller chez les Lygiens.

Acté continua à l’interroger :

— Pourtant, chez Aulus, il te plaisait ?

— Oui, — répondit Lygie en baissant la tête.

— Tu n’es pas une esclave ainsi que je fus moi-même, — dit Acté comme songeant tout haut. — Vinicius aurait donc pu t’épouser. Tu es une otage, et fille du roi des Lygiens. Les Aulus t’aiment comme leur enfant et je suis persuadée qu’ils t’adopteraient. Vinicius pourrait t’épouser, Lygie.

Mais elle répondit à voix basse et plus tristement encore :

— J’aime mieux fuir chez les Lygiens.