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allumaient encore en lui. Il savait que c’était la mort, et il n’y croyait pas.

Ils trouvèrent ouverte la Porte Nomentane, où Pierre avait enseigné et baptisé. À l’aube, ils arrivèrent à la villa de Phaon.

Une fois là, les affranchis ne lui cachèrent plus qu’il était temps de mourir. Il fit creuser la fosse et s’étendit à terre, afin qu’ils prissent la mesure exacte. Mais à la vue du trou béant, il fut saisi de terreur. Sa face bouffie devint livide et sur son front, telles des gouttes de rosée, perlèrent des gouttes de sueur. D’une voix à la fois tremblante et pathétique, il déclara qu’il n’était pas temps encore. Puis il reprit ses citations. Enfin, il demanda que son corps fût brûlé.

« Quel artiste périt ! » — répétait-il comme dans une rêverie.

Cependant, un courrier de Phaon vint annoncer que le Sénat avait déjà statué, et que le parricide serait puni selon la coutume.

— Quelle est cette coutume ? — demanda Néron, les lèvres exsangues.

— Ils te mettront la fourche au cou, te fouetteront à mort et jetteront ton cadavre dans le Tibre ! — répondit Épaphrodite bourru.

Il ouvrit son manteau et mit à nu la poitrine.

— Ainsi, il est temps ! — dit-il, les yeux au ciel.

Et il répéta :

— Quel artiste périt !

À cet instant, un galop résonna : un centurion venait, avec ses soldats, pour la tête d’Ahénobarbe.

— Hâte-toi ! — crièrent les affranchis.

Néron appuya le glaive sur sa gorge. Mais il poussait d’une main timide, et l’on voyait qu’il n’oserait jamais enfoncer la lame. Brusquement, Épaphrodite lui força la main, et le glaive entra jusqu’à la garde. Ses yeux se désorbitèrent, affreux, énormes, emplis d’épouvante.

— Je t’apporte la vie ! — cria le centurion en rentrant.

— Trop tard ! — râla-t-il.

Et il ajouta :

— La voilà, la fidélité !

Soudain, la mort enténébra son regard. De son cou épais, le sang, en un bouillonnement noirâtre, jaillit sur les fleurs du jardin. Ses pieds labourèrent le sol, et il expira.

Le lendemain, la fidèle Acté vint recouvrir sa dépouille de tissus précieux et la brûler sur un bûcher d’aromates.