Vinicius et Lygie remarquèrent que ses cheveux avaient complètement blanchi, que son corps s’était courbé et que ses traits reflétaient tant d’affliction et de souffrance que lui-même semblait avoir traversé tous les supplices et tous les martyres que Néron avait infligés aux milliers de victimes de sa fureur et de sa folie. Tous deux comprenaient que, puisque le Christ lui-même s’était soumis au supplice et à la mort, personne ne pouvait s’y soustraire. Mais leur cœur se brisait à la vue de l’Apôtre, courbé sous le poids des ans, de la peine et de la douleur. Aussi Vinicius, qui comptait emmener dans quelques jours Lygie à Naples, où ils devaient retrouver Pomponia afin de se rendre ensemble en Sicile, le supplia de quitter Rome avec eux.
L’Apôtre posa sa main sur la tête du tribun et répondit :
— Elles résonnent encore à mes oreilles, les paroles que m’a dites le Seigneur au bord du lac de Tibériade : « Quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où il te plaisait ; quand tu vieilliras, tu lèveras les bras, et d’autres te mettront ta ceinture et te mèneront où tu ne voudras pas. » C’est donc vrai que je dois suivre mon troupeau.
Eux se taisaient, ne comprenant pas ses paroles. Alors, il reprit :
— Mon labeur touche à sa fin ; mais je ne trouverai l’hospitalité et le repos que dans la maison du Seigneur.
Puis, s’adressant à tous deux :
— Souvenez-vous de moi, car je vous ai aimés comme un père aime ses enfants, et, quoi que vous fassiez dans la vie, faites-le pour la gloire du Seigneur.
Et, étendant sur leurs têtes ses mains tremblantes, il les bénit. Eux se pressaient contre lui, songeant que c’était sans doute la dernière bénédiction qu’ils devaient en recevoir.
Mais ils devaient le revoir encore. Quelques jours plus tard, Pétrone rapporta du Palatin des nouvelles alarmantes. On avait découvert que l’un des affranchis de César était chrétien, et l’on avait saisi chez lui des lettres des apôtres Pierre et Paul de Tarse, ainsi que de Jacques, de Jude et de Jean. Tigellin avait connu le séjour de Pierre à Rome, mais il s’était imaginé que l’Apôtre avait péri avec les milliers d’autres chrétiens. Et maintenant, on apprenait non seulement que les deux chefs de la religion nouvelle vivaient encore, mais qu’ils étaient dans la ville même ! Aussi, avait-on décidé de s’emparer d’eux à tout prix : avec eux, on extirperait les dernières racines de la secte maudite. Pétrone avait appris de Vestinus que César en personne avait lancé un édit ordonnant d’arrêter Pierre et Paul sous trois jours et de les enfermer dans la Prison Mamertine. Dans ce but, on avait envoyé des détachements entiers