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stoïcien, comme Sénèque, ou bien comme mon nouvel ami, le philosophe Chilon. Il se retourna et demanda :

— Où donc est-il passé, Chilon ?

Celui-ci, revenu à lui au grand air, était rentré dans l’amphithéâtre pour l’hymne de César. Il s’approcha :

— Me voici, ô fruit rayonnant du Soleil et de la Lune ! J’étais malade, mais ton chant m’a guéri.

— Je t’enverrai en Achaïe, — lui dit Néron. — Tu dois savoir, à un sesterce près, les ressources de ses temples.

— Fais cela, Zeus ! Les dieux t’offriront un tribut comme jamais ils n’en ont offert à personne.

— Oui…, mais je ne puis pourtant te priver de la vue des jeux.

— Ô Baal ! — fit Chilon.

Les augustans, contents de voir s’améliorer l’humeur de César, se prirent à rire.

— Non, seigneur ! Ne prive point de la vue des jeux ce Grec si courageux !

— Mais daigne me priver, seigneur, de la vue de ces braillards, de ces oies du Capitole, dont tous les cerveaux réunis n’empliraient pas le godet d’un gland, — répliqua Chilon. — Ô premier-né d’Apollon ! je suis en train de composer en ton honneur un hymne grec, et je voudrais passer quelques jours dans le temple des Muses, afin d’implorer d’elles l’inspiration.

— Non pas ! — s’écria César. — C’est un faux-fuyant pour esquiver les jeux prochains ! Non, non !

— Seigneur, je te jure que j’écris un hymne !

— Alors, tu l’écriras de nuit. Demande à Diane de l’inspirer ; en somme, elle est la sœur d’Apollon.

Chilon baissa la tête, en lançant des regards furibonds aux augustans hilares, tandis que César, tourné vers Sénécion et Suilius Nérulin, disait :

— Figurez-vous qu’une moitié seulement des chrétiens réservés pour aujourd’hui a pu être expédiée !

Le vieil Aquilus Regulus, très expert dans les choses du cirque, réfléchit un instant et dit :

— Les spectacles où figurent des gens sans armes et sans art durent presque aussi longtemps et sont moins intéressants.

— Je leur ferai donner des armes, — dit Néron.

Mais le superstitieux Vestinus s’éveilla soudain de ses réflexions, et dit d’une voix mystérieuse :

— Avez-vous remarqué qu’ils voient quelque chose au moment de mourir ? Ils regardent le ciel et semblent mourir sans souffrance. Je suis persuadé qu’ils voient quelque chose…