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et le renversa sur le sable. L’autre voulut se redresser, mais en un clin d’œil il fut enveloppé par le fatal réseau, s’y empêtrant davantage à chaque mouvement de ses pieds et de ses mains, tandis que les dents de la fourche le clouaient au sol. Il fit un suprême effort, s’arc-bouta sur son bras, se raidit, essaya vainement de se relever. Il leva encore vers sa tête une main défaillante qui avait lâché le glaive et tomba à la renverse. De son trident Calendio lui fixa la nuque à terre et, s’appuyant des deux mains sur le manche, il se tourna vers la loge de César.

Le cirque entier était secoué d’applaudissements et de rugissements humains. Ceux qui avaient parié sur Calendio l’estimaient, à cet instant, plus grand que César ; et, par cela même, il n’existait plus dans leur cœur la moindre animosité à l’égard de Lanius qui, au prix de son sang, avait empli leurs bourses. Les désirs des assistants étaient partagés : on voyait autant de signes de grâce que de signes de mort. Mais le rétiaire ne regardait que la loge de César et des vestales, et attendait leur décision.

Malheureusement, Néron n’aimait pas Lanius : aux jeux antérieurs à l’incendie, il avait parié contre lui et perdu une forte somme au profit de Licinius. Il tendit donc la main hors du podium, en abaissant le pouce. Immédiatement, les vestales l’imitèrent. Alors Calendio mit un genou sur la poitrine du Gaulois, tira un coutelas et, entre-bâillant l’armure de l’adversaire à la hauteur du cou, il lui plongea jusqu’à la garde la lame triangulaire dans la gorge.

Peractum est ! — clamèrent des voix dans l’amphithéâtre.

Lanius eut des convulsions de bœuf qu’on égorge, laboura le sable de ses pieds, puis se raidit, et resta inerte.

Mercure n’eut pas besoin de vérifier au fer chaud s’il vivait encore. On l’enleva rapidement, et d’autres couples apparurent, suivis enfin de détachements entiers qui se ruèrent au combat. Le peuple y prenait part de l’âme, du cœur et des yeux ; il hurlait, rugissait, sifflait, applaudissait, riait, excitait les combattants, délirait de joie. Les gladiateurs, en deux groupes, luttaient avec un acharnement de fauves : les poitrines se heurtaient, les corps s’enlaçaient en de mortelles étreintes, les membres puissants craquaient aux jointures, les glaives plongeaient dans les poitrines et les ventres, les lèvres blêmies éjaculaient des torrents de sang. Quelques novices furent saisis, vers la fin, d’une si complète épouvante que, s’arrachant de la mêlée, ils galopèrent en déroute ; mais les mastigophores, de leurs fouets aux lanières garnies de plomb, les y ramenèrent sur-le-champ. Le sable se couvrait de grandes taches noires. À tout instant, des corps nus ou bardés d’airain venaient grossir les rangées, étendues comme des gerbes. Les survivants combattaient sur les cadavres,