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leur avancèrent des sièges et placèrent des petits bancs sous leurs pieds. Pétrone, persuadé qu’un éternel ennui devait régner dans cette maison austère où il ne venait jamais, regardait autour de lui avec quelque étonnement, et légèrement désappointé, car de l’atrium se dégageait une impression plutôt gaie. D’en haut, par une baie spacieuse, tombait un faisceau de vive lumière qui venait se briser sur un jet d’eau en milliers d’étincelles. Une fontaine, érigée au centre d’un bassin carré destiné à recueillir la pluie tombant par l’orifice supérieur et appelé l’impluvium, était entourée d’anémones et de lis. Il était visible que, dans cette maison, les lis étaient en grande faveur, car on en voyait, de blancs et de rouges, par massifs entiers, ainsi que des iris saphir aux pétales délicats et comme argentés de poussière liquéfiée. Les vases qui les contenaient étaient cachés parmi les mousses humides, et des feuillages émergeaient des statuettes de bronze représentant des enfants et des oiseaux aquatiques. Dans un angle, une biche, de bronze aussi, penchait au-dessus de l’eau, comme pour y boire, sa tête rongée et verdie par l’humidité. Le sol de l’atrium était fait de mosaïque et les murailles revêtues, partie de marbre rouge, partie de fresques où étaient figurés des arbres, des poissons, des oiseaux, des griffons, qui enchantaient le regard par le jeu des couleurs. Les portes qui ouvraient sur les chambres latérales étaient ornementées d’écaille de tortue et même d’ivoire ; entre les portes, et adossées aux murs, se dressaient les statues des ancêtres d’Aulus. Partout on sentait la solide aisance, exempte de faste, mais belle et sûre d’elle-même.

Pétrone, dont la demeure était de beaucoup plus luxueuse et élégante, ne pouvait cependant rien trouver ici qui offusquât son goût ; et précisément il allait faire part à Vinicius de cette remarque, quand un esclave, le velarius, souleva la draperie qui séparait l’atrium du tablinum, pour livrer passage à Aulus, qui du fond de la maison arrivait d’un pas rapide.

C’était un homme déjà au déclin de la vie : la tête grisonnante, mais forte ; la face énergique, un peu courte, mais, en revanche, rappelant assez une tête d’aigle. Pour l’instant, elle exprimait quelque étonnement, voire même de l’inquiétude, causée par la venue inopinée de l’ami, du compagnon, du confident de Néron.

Pétrone était trop homme du monde, trop fin, pour ne pas s’en rendre compte ; aussi, après les salutations préliminaires, exposa-t-il avec toute l’éloquence et toute la courtoisie qui lui étaient coutumières, qu’il apportait ses remerciements pour l’hospitalité reçue dans cette maison par le fils de sa sœur et que, seule, la reconnaissance motivait cette visite, facilitée d’ailleurs par ses anciennes relations avec Aulus.