Page:Sienkiewicz – Hania, traduction Chirol.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

il n’est pas besoin de langue française, de musique ni de rien de semblable. Hania trouvera vite un mari, quelque honnête petit employé…

— Papa !

Mon père me regarda avec étonnement.

— Qu’est-ce que tu as ?

J’étais rouge comme une écrevisse ; le sang me montait au visage et obscurcissait mes yeux. L’union de Hania avec un petit employé me semblait un tel sacrilège, un tel outrage à mes rêves et à mes espérances, que je ne pus retenir un cri d’indignation. Mais ce sacrilège me blessa d’autant plus qu’il émanait de mon père. La réalité versait pour la première fois une douche d’eau froide sur la bouillante foi de ma jeunesse ; c’était la première attaque dont la vie sapait le château enchanté de mes rêves, la première déception et le premier désenchantement, dont nous cherchons à oublier l’amertume plus tard au moyen du pessimisme