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l’usage ; tellement rare que dans ce siècle qui pourtant compte toute une pléiade de dames poëtes d’un talent distingué, une seule, madame Desbordes-Valmore, a osé être franchement & constamment femme, ne peindre, n’exprimer que les sentiments & les passions de son sexe, fille, amante, femme, mère, sans la moindre complicité avec les idées & les ambitions de l’autre sexe, femme devant la barricade de Saint-Merri, comme auprès du lit de sa mère ou du berceau de son fils. « Qu’elle chante, a dit un jour Charles Baudelaire, les langueurs de la jeune fille, la désolation morne d’une Ariane abandonnée, ou les enthousiasmes de la maternité, son chant garde toujours l’accent délicieux de la femme… Cette torche qu’elle agite à nos yeux pour éclairer les mystérieux bocages du sentiment, ou qu’elle pose, pour le raviver, sur notre plus intime souvenir, amoureux ou filial, cette torche, elle l’a allumée au plus profond de son propre cœur. » Mais pour atteindre à une telle hauteur d’audace, il faut l’intrépidité d’un héros, ou l’ingénuité d’un enfant : il faut être une guerrière comme Louise Charly la Lyonnaise, ou une pauvre hirondelle voyageuse comme Marceline Desbordes !

L’auteur des Rayons perdus est un poëte sincère, & nous l’en félicitons, car cette sincérité est la marque d’une âme fière & loyale, de la chaleur du cœur & de l’innocence de l’esprit. Jeune fille, de quoi parlerait-elle, sinon comme elle le dit elle-même, de l’éternel roman

Que toute jeune fille à mon âge imagine ?