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Elle a aimé, & elle ose le dire ; elle a souffert, & elle en est orgueilleuse. On devine à la franchise de ses épanchements l’influence d’une de ces fortes éducations qui font l’âme pure & noble sans l’affaiblir & sans l’enniaiser. Son poëme est bien le poëme de la femme, & de la femme de dix-huit ans ; c’est le cantique de toutes les espérances & de toutes les illusions, auxquelles se mêlent nécessairement les regrets, la mélancolie, les colères d’un cœur parfois désappointé ; illusions encore sans doute, car l’auteur des Rayons perdus est à cet âge heureux & riche où les premières déceptions sont affronts & blessures pour l’âme invulnérée. On sourit à entendre une enfant de vingt ans à peine parler de désespoir et dire que tout est fini pour elle dans la vie. Qu’importe cependant si l’illusion est naïve, & pourvu que l’expression nous rende la grâce & l’énergie d’un sentiment vrai ? Par sa candeur & sa franchise mademoiselle Siefert retrouve par moments la fraîcheur des premiers âges & la simplicité des grands modèles. Il est tel vers, tel passage dans les Rayons perdus qui nous a rappelé la plainte d’Antigone allant au supplice : « Je n’aurai point connu l’amour ni l’hymen, & je n’aurai point élevé d’enfant ! »

Quel rêve, encor plus doux que celui de l’amour !
Des larmes sourdent presque au bord de ma paupière
Quand je songe à l’enfant qui me rendrait si fière,
Et que je n’aurai pas, que je n’aurai jamais,
Car l’avenir, cruel en celui que j’aimais,