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LES STOÏQUES.


Car nous avons chacun un but secret & cher
Qu’il nous faut renoncer à toucher sur la terre,
Quelque port entrevu dans un horizon clair,

Quelque amour adoré que notre voix doit taire,
Quelque Éden interdit à nos vœux impuissants,
Chimère ou souvenir, idéal ou mystère.

Rien n’est perdu pour nous de ces temps menaçants,
Des corps de nos meurtris la glèbe est fécondée ;
Toujours les mêmes deuils ont les mêmes accents.

Moïse meurt encore aux portes de Judée ;
Jérémie à Sion pleure éternellement :
Rachel dans sa douleur ne s’est pas amendée.

Ainsi, sur le chemin où tout espoir nous ment,
Où tombe sous nos pas tout élément de joie,
L’exemple des aïeux revient sûr & calmant.

Ô morts, vous flamboyez comme l’astre flamboie,
Vous mettez des rayons dans l’abîme béant,
Vous nous prenez la main pour nous marquer la voie.