Lady Sneerwell. — Ah ! vous me flattez, Snake.
Snake. — Pas le moins du monde… Tout le monde reconnaît que lady Sneerwell peut faire plus, avec un mot ou un regard, que d’autres avec les histoires les plus étudiées, même quand ils ont la chance d’avoir un peu de vrai de leur côté.
Lady Sneerwell. — Oui, mon cher Snake, et je n’ai pas l’hypocrisie de nier la satisfaction que j’éprouve du succès de mes efforts. (Ils se lèvent) Blessée moi-même, au début de ma vie, par la langue envenimée de la médisance, je l’avoue, je n’ai connu depuis aucun plaisir égal à celui de réduire les autres au niveau de ma propre réputation.
Snake. — Rien de plus naturel… Mais, lady Sneerwell, vous m’avez depuis peu employé à une affaire qui m’intrigue. Franchement, je ne vois pas trop où vous voulez en venir.
Lady Sneerwell. — Il s’agit, n’est-ce pas, de celle qui concerne mon voisin, sir Peter Teazle, et sa famille ?
Snake. — Justement. Il y a là deux jeunes gens, à qui sir Peter a servi en quelque sorte de tuteur depuis la mort de leur père : l’aîné, possédant le plus aimable caractère, et jouissant de la considération universelle ; le cadet, le garçon le plus dissipé et le plus extravagant du royaume, sans amis ni réputation ; le premier, admirateur avoué de milady, et, selon toute apparence, votre préféré ; le second, attaché à Maria, pupille de sir Peter, et sans contredit aimé d’elle.