Page:Sheridan - L Ecole de la medisance (Cler).djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous ne saurions pas plus leur en vouloir qu’on n’en voudra à Sheridan d’avoir pris une idée de Tom Jones, une idée de Tartuffe, une idée du Misanthrope, et d’avoir ainsi composé ce chef-d’œuvre original : l’École de la Médisance.

Des observations qui précèdent, il ne faudrait pas tirer la conséquence que nous voudrions un théâtre moral dans le sens absolu du mot, et reprenant les travers humains avec la prétention de les guérir. Non, telle n’est point notre pensée, et nous n’avons jamais cru à la justesse de la devise : Castigat ridendo mores. Il suffit, selon nous, que la comédie constate le mal, qu’elle le signale, qu’elle le bafoue et le ridiculise le plus possible. Quant à le supprimer entièrement, elle n’en a pas le pouvoir et là, d’ailleurs, n’est pas sa mission. Il y aura toujours, quoi qu’on dise ou qu’on fasse, des coquettes, des précieuses, des mari malheureux, des libertins, des intrigants, des avares, des faux-bonshommes, des étourdis, des fâcheux… La médisance surtout est immortelle : il en faut prendre son parti et se consoler en répétant avec la Dorine de Tartuffe :


Croiriez-vous obliger tout le monde à se taire ?
Contre la médisance il n’est point de rempart.
À tous les sots caquets n’ayons donc nul égard ;
Efforçons-nous de vivre avec toute innocence,
Et laissons aux causeurs une pleine licence.

L’auteur de l’École de la Médisance n’a pas échappé lui-même à la médisance : on a prétendu qu’il s’était attribué une œuvre de sa mère, Françoise Sheridan, qui a laissé deux comédies : la Découverte et la Dupe, et plusieurs romans. Cette particularité curieuse ne démontre-t-elle pas, mieux que les plus longs discours, la vérité de notre assertion, et ne nous autorise-t-