Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je suis la fille du Sol et de l’Eau, et le nourrisson du Ciel ; je passe à travers les pores de l'Océan et des rivages ; je change, mais je ne puis mourir. Car, après la pluie, lorsque sans une tache le pavillon du ciel est à nu, et que les vents et la lumière du soleil avec ses rayons convexes construisent le dôme bleu de l’air, je ris silencieusement de mon propre cénotaphe, et hors des cavernes de la pluie, comme un enfant hors de la matrice, comme un fantôme hors de la tombe, je m’élève et le détruis encore.


À UNE ALOUETTE

Salut à toi, esprit joyeux ! — Oiseau tu ne fus jamais ! — toi qui, du ciel ou près de lui, répands ton cœur trop plein en une profusion d’accords dont l’art n’est point étudié !

Plus haut, toujours plus haut, tu t’élances de la terre, comme un nuage de feu ; tu fends l’abîme bleu de ton aile, et chantant tu planes encore, et planant tu chantes toujours.

Dans l’éclair d’or du soleil qui sombre, au-dessus duquel les nuages resplendissent, tu flottes et tu cours, comme une joie incorporelle, qui ne fait que de naître.

La pourpre pâle du soir fond autour de ta fuite ; comme une étoile du ciel, dans la large lumière du jour tu es invisible, mais j’entends tes perçantes délices.

Aiguës comme les flèches de cette sphère d’argent dont la lumière intense s’amoindrit dans la blanche clarté de l’aube, jusqu'à ce que nous la voyions à peine, et sentions à peine qu’elle est là.