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PREFACE Les tragiques grecs, en empruntant leurs sujets à leur histoire nationale ou à leur mythologie, ont usé dans leur manière de les traiter d’un certain choix arbitraire. Ils ne se sont aucunement considérés comme obligés de s’en tenir à la commune interprétation ou d’imiter dans le récit comme dans le titre leurs rivaux et prédécesseurs, lin tel système, en les amenant à sacrifier ces exigences au désir d’être préférés à leurs compétiteurs, favorisait puissam- ment la composition. L’histoire d’Agamemnon était exposée sur le théâtre athénien avec autant de variantes qu’il y avait de drames. J’ai cru devoir user de la même licence. Le Prométhée délivrée d’Eschyle supposait la réconciliation de Jupiter avec sa victime, comme prix de la révélation du danger qui menaçait son empire par suite de la consommation de son mariage avec Thélis. Dans celte donnée, Thétis épousait Pelée, et Prométhée, par la permission de Jupiter, était délivré de sa captivité par Hercule. Si j’avais construit mon histoire sur ce plan, je n’aurais tenté autre chose que de refaire le drame perdu d’Esciiyle : et une telle aml)ition, si ma préférence pour cette manière de traiter le sujet me l’eût fait concevoir, la seule pensée de la dangereuse com- paraison qu’une semblable entreprise aurait provoquée devait certainement suffire à la décourager. Mais, en réalité, j’avais de la répulsion pour un dénouement aussi faible que celui qui consistait à réconcilier le Champion de l’Huma-