REINE MAB 29
c’est que pas un de ces esclaves qui souffrent des crimes de cet être contre nature, pas un de ces misérables dont les enfants meurent de faim, et dont le lit nuptial est le sein impitoyable de la terre, ne lève le bras pour le jeter à bas de son trône !
« Ces moucherons dorés qui, pullulant au soleil d’une cour, s’engraissent de sa corruption, que sont-ils ? Les frelons de la société. Ils se nourrissent du travail de l’artisan. Pour eux, le rustre affamé force la grève rebelle à céder ses moissons qu’il ne partagera pas ; et ce spectre hâve, plus maigre que la misère décharnée, qui consume une vie sans soleil dans la mine malsaine, traîne dans le labeur une mort prolongée pour assouvir leur grandeur ; la masse s’épuise de fatigue, pour qu’un petit nombre connaisse les soucis et les douleurs de la paresse !
« D’où crois-tu que sont sortis rois et parasites ? D’où cette race contre nature de bourdons fainéants, qui accumulent les fatigues et une insurmontable indigence sur ceux qui bâtissent leurs palais, et leur apportent le pain quotidien ? — Du vice, du ténébreux et immonde vice ; de la rapine, de la folie, de la trahison, du crime ; de tout ce qui engendre la misère et fait de la terre ce sauvage désert ; de la luxure, de la vengeance et du meurtre. — Et quand la voix de la raison, retentissante comme la voix de la nature, aura éveillé les nations ; quand le genre humain s’apercevra que le vice est dis- corde, guerre et misère, que la vertu est paix, bonheur et harmonie ; quand, plus mûre, la nature de l’homme dédaignera les jouets de son enfance ! alors l’éclat royal perdra le pouvoir d’éblouir ; l’autorité royale s’évanouira dans le silence : le trône somptueux restera
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