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232 ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

regards en démence, elle cria : « Mangez ! prenez votre part de la grande fête ; demain nous devons mourir ! » Puis de son pied pâle elle poussa les pains vers ses hôtes exsangues... Ce spectacle déchira mes yeux et mon cœur, et si celle qui m aimait n avait, de ses regards absents, prévenu mon désespoir, j’aurais pu par sympathie tomber aussi dans le délire ; mais je pris la nourriture que cette femme m'offrait ;

LIII

Et, après avoir vainement lutté avec sa folie, pour essayer de la décider à venir avec moi, je partis. Dans les régions orientales du ciel, l'éclair maintenant pâlissait ; rapidement le noir coursier m'emporta le long du rivage de la mer tempétueuse : et bientôt la grise montagne retentit sous ses sabots, et je pus voir Cythna parmi les rocs, où elle était restée assise, ses yeux inquiets fixés sur le jour tardif.

LIV

Nous nous retrouvâmes avec joie. Elle était très pâle, affamée, mouillée, épuisée ; je passai mes bras autour d’elle pour l'empêcher de tomber pendant que nous regagnions notre retraite ; et ainsi embrassée, son cœur plein sembla goûter une joie plus profonde que n’en a jamais connu le bonheur. Le coursier allait paisiblement au pas derrière nous le long de la montagne déserte. Nous atteignîmes notre abri avant que le Matin ait pu détacher le dernier voile de la Nuit, et nous nous étendîmes sur notre couche nuptiale.