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LAON ET CYTHNA 231

l’autre !... Depuis lors je n’ai plus été une mère : je suis la Peste !... Je voltige de côté et d’autre, afin de pouvoir étoutïer et tuer ! Toute lèvre que j’ai baisée doit sûrement se flétrir, excepté celles de la Mort !... Si lu l’es, allons travailler ensemble !

L

« Que cherches-tu ici ?... La lumière de la lune fait éclater ses rayons, l’humide rosée s’élève de la vallée ; elle va faire sentir sa moiteur !... et tu verras les balafres sur le corps de mon doux petit garçon, maintenant plein de vers !... Mais dis d’abord ce que tu cherches. » — « Je cherche à manger. » — « C’est bien, tu auras à manger. La Famine, mon amante, nous attend à la fête ; elle est cruelle et féroce, la Famine, mais elle ne repousse pas de sa porte ceux que ces lèvres ont baisés, ceux-là seuls... Plus jamais ! Plus jamais !!... »

LI

Quand elle eut ainsi parlé, elle m’empoigna avec la violence de la folie, et me fit marcher à travers maint foyer ruiné, et sur mille cadavres. Enfin nous arrivâmes à une hutte solitaire ; là sur la terre , qui lui servait de plancher, dans sa joie de spectre, elle avait réuni de tous ces foyers, maintenant désolés, et empilé trois monceaux de pains, faisant ainsi la disette chez les morts... Autour de ces monceaux elle disposa en cercle les petits enfants froids et raidis par la mort ; ils étaient assis innnobiles et silencieux !...

LII

Elle sauta sur un monceau, et levant vers l’éclair ses