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REINE MAB

sa fantaisie, d’un coup d’œil, combine le merveilleux et le beau, non, le poète n’a jamais vu forme aussi brillante, aussi belle, aussi fantastique que celle qui guidait les coursiers aériens et versait la magie de son regard sur le sommeil de la vierge.

La jaune et large lune brillait confusément à travers sa forme, forme d’une parfaite symétrie ; le char perlé et translucide ne dérangeait pas la ligne de la lumière lunaire. Ce n’était point un spectacle de la terre. Ceux qui purent contempler cette vision dépassant toute splendeur humaine, ne virent ni la jaune lune, ni la scène mortelle ; ils n’entendirent ni le bruit du vent de nuit déchaîné, ni aucun son de la terre ; ils ne virent que l’apparition féerique, n’entendirent que les accents célestes qui remplissaient ce séjour solitaire.

Le corps de la Fée était transparent ; ce nuage fibreux là-bas, qui ne retient que la plus pâle teinte du soir, et que l’œil attentif peut à peine saisir quand il fond dans l’ombre du crépuscule oriental, est à peine aussi délié, aussi transparent. La belle étoile, qui diamante la couronne étincelante du matin, ne jette pas une lumière aussi douce, aussi puissante que celle qui, jaillissant des formes de la Fée, répandait tout autour sur la scène un halo de pourpre et, avec un mouvement d’ondulation, dessinait gracieusement ses contours. De son char céleste la Reine des Fées descendit, et trois fois elle agita sa baguette enlacée de guirlandes d’amaranthe ; sa forme mince et brumeuse suivait les mouvements de l’air ; et les sons clairs, argentins de sa voix, quand elle parla, furent tels qu’ils ne pouvaient être entendus que d’une oreille spécialement douée.

« Astres ! répandez votre plus balsamique influence !