LAON ET CYTHNA 173
bres nus) dans la crainte que ce ne fût un démon. En- fin, il pencha sur moi sa vénérable tête, comme pour dissiper ces pensées de crainte, et son sourire caressant descendit au plus profond de mon âme.
XXXIl
De temps en temps il portait à mes lèvres un doux et salutaire breuvage ; tantôt il levait les yeux au ciel pour observer si le géant étoile plongeait sa ceinture dans la sombre mer ; tantôt, bien qu’il dit peu à la fois, il me parlait gaiement : « Tu as un ami près de toi ; tiens- toi en joie, pauvre victime, te voilà maintenant en liberté ! » En entendant ces accents humains, je me réjouissais, comme ceux qui ont langui de longues années dans la solitude d’un profond cachot.
XXXIII
Une obscure et faible joie, dont les lueurs souvent s’éteignirent dans l’égarement de nouveaux rêves ! Cependant il me semblait toujours que nous voguions, jusqu’au moment où dans le ciel les étoiles de la nuit pâlirent, et les rayons du matin descendirent sur les courants de l’Océan ; et toujours ce grand et doux vieillard me veillait, de même qu’une mère abîmée dans la douleur se penche dans l’espérance sur son enfant mourant, jusqu’à ce que les ténèbres s’amoncelassent de nouveau dans l'est azuré.
XXXIV
Puis le vent de la nuit, s’exhalant du rivage, envoya des parfums qui venaient doucement mourir le long de la mer, et les petites vagues qui portaient le rapide bateau furent coupées en biais par sa quille tranchante ;