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112 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

de son qu'un esprit nourri de pensées musicales peut produire par le juste el harmonieux arrangement des repos de cette mesure. On pourra cependant trouver quelques endroits où j'ai complètement échoué dans cette tentative ; un entre autres que je prie le lecteur de considérer comme un erratum, celui où j'ai très étourdiment laissé un alexandrin dans le milieu dune stance (1).

Mais sous ce rapport comme sous tous les autres j’ai écrit sans crainte. C’est le malheur de ce siècle que ses écrivains, trop oublieux de l’immortalité, sont excessivement sensibles à un éloge ou à un blâme passager... Ils écrivent avec la crainte des revues devant les yeux. Ce système de critique a surgi à une époque d’interrègne et d’engourdissement où la poésie n’existait plus. La poésie el l’art qui prétend régler el limiter ses pouvoirs ne peuvent subsister ensemble. Longin n’aurait pas pu être le contemporain d’Homère, ni Boileau celui d’Horace. Cependant cette espèce de critique n’a jamais eu la présomption de donner ses appréciations comme venant de son propre fonds ; elle a toujours, différente en cela de la vraie science, suivi et non précédé l’opinion du public, et même aujourd’hui elle voudrait, à force de lâches adulations, amener quelques-uns de nos plus grands poètes à imposer gratuitement des entraves à leur propre imagination, et à devenir les complices inconscients de l’immolation quotidienne de tout génie moins ambitieux ou moins heureux que le leur. J’ai donc essayé d’écrire (comme je crois qu'écrivait Homère, Shakespeare et Milton), avec un entier dédain de la censure anonyme. Je suis certain que la calomnie et le travestissement des pensées, quelque compassion qu’ils puissent m’inspirer, ne peuvent troubler mon repos. Je comprendrai le silence significatif de ces habiles ennemis, " qui n’osent pas se risquer à parler. » J’essaierai de tirer, du milieu des insultes, du mépris et des malédictions, les conseils qui peuvent concourir à corriger les imperfections que de semblables censeurs auront découverts dans ce premier

(1) Rossetti signale trois exemples de cette même négligence : ch. IV, st. 27 ; (ch. VIII,st27 ; ch. IX. st 36.