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encore, hélas ! Et toi tu n’es plus !… Sur ces lèvres pâles, si douces même dans leur silence, sur ces yeux, l’image du sommeil dans la mort, sur cette forme ; encore intacte de l’outrage du ver, qu’aucune larme ne soit versée, pas même en pensée ! Et quand ces teintes auront disparu, que ces divins linéaments consumés par le vent insensible ne vivront plus que dans les frêles accords de ce simple chant, qu’aucun vers altier pleurant la mémoire de ce qui n’est plus, qu’aucune douleur de la peinture ou de la sculpture, n’essaient dans de faibles images de faire parler leurs froides énergies ! Art et éloquence, toutes les ostentations du monde sont vaines et impuissantes à pleurer une perte qui change en ombre leurs lumières ! C’est une douleur « trop profonde pour les pleurs », quand tout disparaît à la fois, quand un esprit supérieur, dont la lumière embellissait le monde autour de lui, ne laisse à ceux qui restent, ni sanglots, ni gémissements, — tumulte passionné d’une espérance aux abois, — mais le pâle désespoir, et la froide tranquillité, la vaste machine de la Nature, la trame des choses humaines, la naissance et le tombeau… qui ne sont plus ce qu’ils étaient !