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— un luth fragile, sur les cordes harmonieuses duquel le souffle du ciel errait, — un brillant courant nourri naguère de vagues aux mille voix, — un rêve de jeunesse que la nuit et le temps avaient éteint pour toujours, — une forme maintenant silencieuse, enténébrée, desséchée, et dont on ne se souviendra plus !

Oh ! qu’est devenue la merveilleuse alchimie de Médée, qui, partout où elle agissait, faisait briller la terre de fleurs radieuses et exhalait des rameaux dépouillés par l’hiver le frais parfum des floraisons printanières ! Oh ! si Dieu, fécond en poisons, voulait nous abandonner le calice où a bu un seul homme vivant, qui aujourd’hui, vaisseau de l’immortelle colère, esclave qui ne sent pas l’immunité glorieuse dans la flétrissante malédiction qui l’accable, erre pour toujours sur le monde, solitaire comme la mort incarnée ! Oh ! si le rêve du sombre magicien dans sa caverne enchantée, fouillant les cendres d’un creuset pour y trouver la vie et la puissance, alors même que sa faible main tremble, dans sa dernière décrépitude, pouvait être la vraie loi de ce monde si digne d’amour ! — Mais, tu t’es envolé comme une frêle exhalaison que l’aube revêt de ses rayons d’or, ah ! tu t’es envolé ! toi le brave, le doux, le beau, l’enfant de la grâce et du génie !… Il y a toujours dans le monde des paroles et des actions sans cœur ; vers, bêtes et hommes continuent d’y pulluler ; et la puissante terre, de la mer et de la montagne, de la cité et du désert, le soir dans sa prière, basse ou … Mais toi, tu n’es plus ! Tu ne pourras plus étudier ou aimer les formes de cette scène fantastique, qui ont été pour toi les plus purs enseignements ! Elles existent