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que quelque belle étoile inconstante scintillant à travers le treillis du feuillage, ou un oiseau peint dormant sous la lune, ou un merveilleux insecte flottant immobile, inconscient du jour, avant que ses ailes aient déployé leurs splendeurs aux regards de midi.

Là arriva le poète. Ses yeux, à travers les lignes reflétées de sa maigre chevelure, aperçurent leur propre lumière pâle, distincte dans la noire profondeur de cette fontaine silencieuse ; comme le cœur humain, regardant en rêve le ténébreux tombeau, y voit sa perfide ressemblance. Il entendait le mouvement des feuilles, l’herbe qui poussait, frémissante, étonnée et tremblante de sentir une présence inaccoutumée : il entendait le bruit du doux ruisseau qui sortait des secrètes sources de cette sombre fontaine. Il lui semblait voir un Esprit se tenir près de lui. — Il n’était point revêtu des brillantes parures d’argent mat ou de lumière mystérieuse empruntées à ce que le monde visible peut offrir de grâce, de majesté ou de mystère ; mais il lui semblait que les bois onduleux, la vallée silencieuse, le ruisseau qui saute et le crépuscule du soir, qui en ce moment assombrissait encore la noirceur des ombres, prenaient la parole et conversaient avec lui, comme s’il n’existait autre chose au monde que ces objets et lui. Seulement… quand son regard fut aiguisé par l’intensité de la mélancolique rêverie, deux yeux étoiles le regardaient suspendus dans le crépuscule de sa pensée, et semblaient, de leurs sourires azurés et sereins, lui faire signe…

Obéissant à la lumière qui brillait dans son âme, il poursuivit sa course à travers les tournants de la vallée. Le ruisselet, capricieux et folâtre, par maint vert ravin, coulait sous la forêt. Quelquefois, il tombait sur la