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ŒUVRES EN PROSE

Je ne veux pas leur dérober la connaissance de leur place relative dans la société. Je crois cela à peu près impossible. Que le laboureur, que l’artisan, que tout travailleur, à quelque profession qu’il appartienne, déploient leur persévérance dans sa voie accoutumée. La diffusion publique de cette vérité ne doit entraver en aucune manière les usages établis de la société, si propre que soit cette vérité à les faire abandonner à la longue.

C’est pour ce motif même qu’il ne faut pas les entraver, parce qu’en le faisant, il reproduirait dans tous les rangs de l’humanité une sensation violente et inaccoutumée qui aboutirait à la violence et rendrait absolument impossible un événement qui, par sa nature même, doit s’accomplir graduellement quoique rapidement et doit être raisonné quoique ardent. Il a pour base la réforme des individus, et sans une amélioration individuelle, c’est vanité et folie que d’attendre l’amélioration d’un État ou d’un gouvernement.

Je conseillerais donc à ceux dont cet appel a réussi à émouvoir les sentiments, (et assurément les sentiments que réveillent des observations charitables et modérées ne peuvent jamais être ceux de la violence et de l’intolérance) si, comme je l’espère, ils sont de ceux que la pauvreté a forcés de se classer dans les rangs inférieurs de la société, je leur conseillerai donc de s’appliquer comme d’ordinaire à leurs professions, à l’exercice de ces devoirs publics et privés que la coutume a réglés.

Rien ne peut être plus téméraire, plus irréfléchi que de montrer en nous des exemples isolés d’une