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ŒUVRES EN PROSE

Ce spectacle a souvent excité quelques-uns des plus pauvres parmi vous, à puiser par violence dans les provisions du riche, pour soulager leurs propres besoins. Je ne saurais le justifier, bien que je le plaigne. Je ne saurais déplorer ces résultats de l’intempérance du riche, je suppose qu’il s’en trouvera parmi vous pour lui donner raison. Ce spectacle a souvent mis sous les yeux du journalier la vérité dont je m’efforce de vous convaincre, que tout ne va pas pour le mieux. Mais je ne désire pas seulement vous prouver que notre situation présente est mauvaise, je veux encore vous montrer que son amélioration dépend de vos propres efforts et de vos résolutions.

Mais celui-là n’aura jamais trouvé la méthode pour la rendre meilleure, qui n’aurait pas tout d’abord réformé sa propre conduite et qui n’aura point exercé sur les autres son ascendant pour qu’ils renoncent aux habitudes vicieuses qu’ils ont pu contracter. Il s’en faut plus encore que le pauvre suppose que la sagesse nécessaire aussi bien que la vertu et qu’en employant son peu de loisir à lire et à réfléchir, il fait réellement tout ce qu’il est en son pouvoir de faire pour l’État, la suppression simultanée de la souffrance et du vice.

Je veux graver en vos esprits cette vérité, que sans vertu et sans sagesse, il ne saurait y avoir de liberté ni de bonheur, et que la tempérance, la sobriété, la charité, l’indépendance d’âme, vous donneront la vertu, de même que la réflexion, les recherches, la lecture vous donneront la sagesse. Sans la première, la seconde est de peu d’utilité,