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ŒUVRES EN PROSE

derait presque que le scepticisme ou l’indifférence au sujet de certaines vérités sacrées pût à l’occasion engendrer une subtilité de sophisme capable de mettre la conscience du coupable en parfaite sécurité devant son crime.

En avançant vers la fin de cette œuvre étrange et puissante, il faut avouer que aliquando bonus dormitat Homerus. L’épisode des Eleutheri[1] bien qu’il soit l’esquisse d’un projet plus profond, est amené et terminé avec une brusquerie inexplicable. La mort de Bruhle semble avoir pour but unique de permettre à son élève de renoncer à la romanesque sublimité de son caractère, et pour que son mariage malheureux, son rôle prostitué n’aient pas à subir la censure de l’amitié outragée. De nombreux indices d’une pensée profonde et vigoureuse sont semés même dans les parties les plus négligées du récit. C’est un jardin inculte où la belladone s’entrelace au jasmin parfumé, où les aromates les plus suaves de l’Orient percent au-dessus des tiges de la hideuse et vénéneuse ciguë.

Nous sommes d’avis que l’auteur s’est montré doué de facultés originales et supérieures dans le dessin des sentiments les plus fugitifs et des si-

  1. D’Édimbourg, le 26 novembre 1813, Shelley avait écrit à Hogg : « Votre roman s’imprime en ce moment. Écrivez-en d’autres semblables. Charmez-nous de nouveau avec un personnage aussi naturel, aussi énergique qu’Alexy : mais ne vous obstinez pas à écrire quand vous commencez à vous sentir fatigué de votre travail. Aliquando bonus dormitat Homerus. Les cygnes et les Éleuthéroarques prouvent que vous étiez quelque peu assoupi. » Vie de Shelley par Hogg. T. II, p. 481.