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ŒUVRES EN PROSE

intime, dans une disposition constitutionnellement antipathique et soupçonneuse, qui ne tarde pas à se manifester sous la forme de haine, de dédain, de sèche misanthropie, et de caractère n’étant pas fondé sur le génie ou la vertu, ne produit aucun fruit d’une nature opposée à celle au sol où il s’est formé. Celles de Falkland venaient d’une conception haute, bien que faussée, de la nature humaine, d’une puissante sympathie pour son espèce, d’une organisation qui se portait à croire que la véritable réputation de supériorité pouvait circuler parmi les hommes sans être soupçonnée, ni attaquée. Sous ce rapport, c’était une erreur, que de subordonner l’intérêt du récit à quelque chose d’inférieur à Falkland ; c’est aussi le défaut de Mandeville. Mais les variétés du caractère humain, la profondeur et la complexité des mobiles de l’homme, — ces deux sources qui, en se réunissant, en font la force et la faiblesse, ces puissantes sources d’arguments en faveur de la bonté envers tous et de la tolérance, sont d’excellents sujets à mettre en lumière et à développer dans une œuvre de fiction, et comme tel, Mandeville ne le cède en intérêt et en importance à aucune des productions de l’auteur. Les événements du récit coulent comme le fleuve du destin, d’un cours régulier et irrésistible, devenant à la fois plus sombres et plus rapides dans leur marche : il n’y a rien qui surprenne, qui secoue ; nous nous attendons au pire dès le début de la scène, tout en nous demandant avec étonnement où l’auteur a trouvé les ombres qui rendent l’obscurité morale plus terrible de moment en moment, et finissent par la faire si ef-