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DE PERCY BYSSHE SHELLEY

pas. Cette méthode diabolique ne saurait qu’en faire d’hypocrites menteurs. En effet, qu’est-ce que c’est que croire ? Nous ne pouvons pas croire ce qui nous plaît, mais seulement ce que nous jugeons être vrai, car ce n’est point en battant ou en brûlant un homme que vous pouvez changer son opinion, c’est en lui persuadant que ce que vous lui dites est vrai, et on ne peut y arriver que par un langage sincère et par la raison. Il est ridicule de qualifier quelqu’un d’hérétique parce qu’il pense autrement que vous. Il serait tout aussi fondé à vous qualifier ainsi. C’est de la même façon qu’on se sert du mot « orthodoxe ». Il signifie « penser droitement » et que peut-il y avoir de plus vain, de plus présomptueux en un homme, en une réunion d’hommes quelconque, que de s’écarter du cours ordinaire des choses au point de dire : « Ce que nous croyons est vrai ; il n’y a de par le monde personne qui ait des opinions qui vaillent les nôtres en quoi que ce soit. »

Tout ce qui n’est pas la tolérance absolue, la charité parfaite envers tous les hommes, points sur lesquels, vous vous en souvenez, Jésus-Christ insistait surtout, est faux, et pour cette raison-ci : qu’est-ce qui fait d’un homme un honnête homme ? Ce n’est point sa religion, car, à ce compte, il ne pourrait y avoir d’honnêtes gens dans aucune religion, excepté une seule ; et, cependant, nous reconnaissons qu’il y en a eu dans tous les siècles, dans tous les pays, dans toutes les opinions.

La vertu et la sagesse, partout où elles se sont développées, ont toujours eu pour résultat la liberté