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DE PERCY BYSSHE SHELLEY

rent, en se brûlant mutuellement, combien peu ils comprenaient l’esprit de la réforme. Vous remarquerez que ces hommes se condamnaient mutuellement au feu. À vrai dire ils faisaient preuve en général d’un goût passionné pour la destruction, et ils s’accordaient avec les chefs de l’Église catholique romaine non seulement dans la haine envers leurs ennemis, mais envers des gens qui n’étaient nullement leurs ennemis, qui n’étaient les ennemis de qui que ce fût.

De nos jours les protestants ont-ils, ou n’ont-ils pas les mêmes doctrines qu’à l’époque où Calvin brûla Servet. Ils le jurent : nous ne pouvons demander une meilleure preuve.

Alors de quel front les protestants peuvent-ils s’opposer à l’émancipation catholique, en alléguant qu’autrefois les catholiques étaient barbares, alors que leur passé est sujet aux mêmes critiques, aux mêmes reproches.

C’est là, je crois, un exemple d’intolérance effrontée, que j’aurais espéré ne pas voir déshonorer ce siècle, ce siècle qui est appelé le siècle de la raison, où la pensée se répand, où la vertu est reconnue, et où les principes en sont fixés. Oh ! puisse-t-il en être ainsi !

J’ai mentionné la religion catholique et la religion protestante surtout pour montrer que toute objection contre la tolérance à l’égard de l’une aboutit forcément à ne pas tolérer l’autre, — ou plutôt pour montrer qu’il n’y a pas de raison pour qu’elles ne soient point tolérées l’une et l’autre.

Mais pourquoi parlè-je de tolérance ? Ce mot sem-