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Pour aimer celle qui vous aime,
Hermia vous reste fidèle

LYSANDRE

Que me fait l’amour d’Hermia !
Je déplore le temps que j’ai perdu près d’elle,
Et cet amour est dans la tombe !
Qui d’ailleurs n’échangerait pas
Un corbeau contre une colombe ?…
C’est Hélène qui me combat !
C’est pour elle que je succombe !…
Oui, tel est le devoir que la raison m’assigne,
Car la raison me dit que c’est vous la plus digne !
Chaque chose qui croît mûrit en sa saison :
Mon cœur était trop jeune encor pour la raison !
Mais, plein d’expérience, aujourd’hui je me livre
À ce guide éclairé qui, dans vos yeux aimants,
Comme dans le plus beau des livres
M’enseigne le plus doux roman !

HÉLÈNE

Serai-je, hélas, toujours victime
De l’ironie et du mépris ?…
N’est-ce donc pas assez de n’avoir ni l’estime
Ni l’amour de celui dont mon cœur est épris,
Sans que vous insultiez, jeune homme, à mon malheur ?
Pourquoi m’outragez-vous ?… Oui, vraiment, sous couleur
De courtoisie et d’amitié
Vous m’outragez !… Adieu !… J’ai cru que vous étiez
De ces chevaliers qu’on renomme
Pour de nobles vertus, qui ne sont pas les vôtres !…
Ah, faut-il que mon cœur repoussé par un homme,
Soit encor raillé par un autre !…

Elle s’éloigne.