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ACTE I, SCÈNE II.

quoi ? Les murs du jardin sont élevés et difficiles à escalader, et considérant qui tu es, cette place est mortelle pour toi, si quelqu’un de mes parents t’y trouve.

ROMÉO. — J’ai franchi ces murailles avec les ailes légères de l’amour, car des limites de pierre ne peuvent arrêter l’essor de l’amour ; et quelle chose l’amour peut-il oser qu’il ne puisse aussi exécuter ? tes parents ne me, sont donc pas un obstacle.

JULIETTE. — S’ils te voient, ils t’assassineront.

ROMÉO. — Hélas ! il y a plus de périls, dans tes yeux que dans vingt de leurs épées : veuille seulement abaisser un doux regard sûr moi, et je suis cuirassé contre leur inimitié.

JULIETTE. — Je ne voudrais pas, pour le monde entier, qu’ils te vissent ici.

ROMÉO. — J’ai le manteau de la nuit pour me dérober à leur vue et d’ailleurs, à moins que tu ne m’aimes, ils peuvent me trouver, s’ils veulent : mieux vaudrait que leur haine mît fin à ma vie, que si ma mort était retardée, sans que j’eusse ton amour ;

JULIETTE. — Quel est celui qui t’a enseigné la direction de cette place ?

ROMÉO. — C’est l’Amour, qui m’a excité à la découvrir ; il m’a prêté ses conseils, et je lui ai prêté mes yeux. Je ne suis pas pilote ; cependant fusses-tu aussi éloignée que le vaste rivage baigné par la plus lointaine nier, je m’aventurerais pour une marchandise telle que toi.

JULIETTE. — Le masque de la nuit est sur mon visage, tu le sais, sans cela une rougeur virginale colorerait mes joues pour les paroles que tu m’as entendue prononcer ce soir. Volontiers, je voudrais m’attacher aux convenances ; volontiers, volontiers, nier ce que j’ai dit : mais adieu, les cérémonies ! M’aimes-tu ? je sais que tu vas dire, oui, et je te prendrai au mot : cependant, si tu jures, tu peux te montrer menteur ; et l’on dit que Jupiter rit des parjures des amants. Ô gentil Roméo, si tu m’aimes, déclare le loyalement : cependant, si tu pensais que je suis trop aisément conquise, eh-bien ! je serai mutine, je froncerai