Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée
53
ACTE I, SCÈNE II.

tage ; son fils est plus âgé, Messire : son fils a trente ans.

CAPULET. — Pouvez-vous me dire cela ? son fils était encore en tutelle il y a deux ans.

ROMÉO, à un valet. — Quelle est cette Dame qui enrichit la-main de ce cavalier là-bas ?

LE VALET. — Je ne sais pas, Messire.

ROMÉO. — Oh, elle apprend aux torches à briffer avec éclat ! À la voir ainsi posée sur la joue de la nuit, on dirait un riche joyau à l’oreille d’un Éthiopien : beauté trop riche pour qu’on en use, trop précieuse pour la terre ! Ce qu’est une colombe au plumage de neige parmi des corbeaux assemblés, cette Dame le paraît parmi ses compagnes. Lorsque la danse sera finie, je guetterai l’endroit où elle ira se reposer, et je donnerai à ma main grossière le bonheur de toucher la sienne. Mon cœur a-t-il aimé jusqu’à présent ? démentez pareille chose, mes yeux ! car je n’avais jamais vu la vraie beauté avant ce soir.

TEBALDO. — Si je reconnais bien cette voix, ce doit être un Montaigu : — va me chercher ma rapière, petit : — comment ! ce manant ose venir ici sous un masque pour se railler, et se gausser de notre fête ! Vrai, par l’antiquité et l’honneur de ma race, je n’estime pas péché de l’étendre roide mort.

CAPULET. — Eh bien, qu’y a-t-il, mon neveu ? Pourquoi tempêtez-vous ainsi ?

TEBALDO. — Mon oncle, c’est un Montaigu, un de nos ennemis, un scélérat, qui est venu ici sans être invité, pour se moquer de notre fête de cette nuit.

CAPULET. — Est-ce le jeune Roméo ?

TEBALDO. — C’est lui, c’est ce scélérat de Roméo.

CAPULET. — Calme-toi, mon gentil neveu, et laisse-le tranquille ; il se comporte comme un gentilhomme bien élevé, et pour dire la vérité, Vérone se vante de lui comme d’un jeune homme vertueux et de bonne conduite : je ne voudrais pas lui faire affront, ici, dans ma maison, pour toute la richesse de cette ville : par conséquent prends patience, ne fais pas attention à lui, c’est ma volonté ; si