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chez une femme, Vous n’avez plus rien à en espérer et vous avez tout à en redouter.

« Lorsqu’une fois le crime a été commis, Macbeth ne s’appartient plus, et alors commence le déroulement admirable des phénomènes de conscience qui composent cette chaîne des remords dont la Némésis divine enchaîne pour la géhenne éternelle les âmes des scélérats. Macbeth se sent esclave ; il appartient désormais à ses visions, à ses craintes et à ses fureurs contre lui-même. Le crime a fait lever devant lui mille ennemis invisibles. Il faut tuer, et tuer encore pour dissiper ces ennemis, pour noyer le souvenir dès crimes anciens sous la terreur des crimes nouveaux. Il faut tuer aussi parce que c’est pour lui l’unique moyen de retrouver son énergie virile affaissée sous les prostrations du remords, affaiblie par les fatigues du délire. Il tue comme un ivrogne hit, pour réparer par un nouveau meurtre la dépense d’énergie que lui a coûté le crime précédent. Il se démène comme si un œil plein de mépris était fixé sur lui, et loi reprochait les lenteurs qu’il, met à poursuivre son œuvre sanglante. En même temps que sa conscience l’appelle meurtrier, son orgueil barbare l’appelle poltron et cœur de femme. Aussi chaque fois qu’il a commis un nouveau crime, lui semble-t-il qu’il a retrouvé son ancien courage, et s’écrie-t-il : I am a man again.

« Voilà le caractère de Macbeth dans son mélange de grandeur et de férocité ; mais quoi, j’avais annoncé que j’allais écarter le barbare pour parler de l’homme moral. Qu’ai-je fait cependant autre chose qu’esquisser les traits du caractère d’un barbare ? En vain j’ai voulu séparer les deux hommes : le premier reparaissait toujours pour me présenter les traits nécessaires au portrait du second. »