Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1871, tome 8.djvu/411

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ne peuvent voir ! Voilà pourquoi la dame châtelaine, révélatrice à son insu du secret qui la tue, se lève pendant son sommeil et prononce à haute voix des paroles terribles ! Nous avons toute vivante dans Shakespeare la poésie de ces terreurs féodales, et en essayant d’expliquer leur origine, nous n’avons fait autre chose que mettre en saillie, les beautés lugubres qui remplissent le Macbeth : la vision du poignard, la scène du banquet, la promenade somnambulique de Lady Macbeth.

« Les remords de Macbeth nous émeuvent donc, non-seulement parce qu’ils sont les remords d’un homme, mais aussi parce qu’ils sont les remords, d’un chef de clan et d’un barbare baptisé. Si Shakespeare n’eût pas peint avec une telle-force le -chef de clan et le barbare, l’ambitieux criminel nous aurait-il autant ému ? Je ne sais, mais, : en tout cas, il.nous aurait ému autrement, et la pièce est assez belle pour me pas nous donner le désir d’autres ’émotions que celles que nous -connaissons. Cet homme particulier que des critiques trop’ classiques-.recommandent au poète dramatique de sacrifier à l’homme universel, fait donc une bonne partie de la poésie du personnage. Imaginez un Mabeth plus vague, plus général, un Macbeth qui aie soit ni un chef de clan, ni un barbare, combien de belles expressions du remords vont devenir impossibles ! Comment un Macbeth plus abstrait pourrait-il dire, par exemple, après le meurtre de Banquo : « Ce n’est pas la première fois qu’on a versé le sang.... mais il fut un temps où, lorsqu’on Avait cassé la tête à un homme, il mourait, et tout était fini ; mais aujourd’hui nos victimes se relèvent avec vingt blessures sur la tête et viennent nous chasser de nos sièges. Ah ! voilà qui est plus étonnant que le meurtre même ! » C’est bien là une confession de la conscience, une confession dont l’oreille d’un homme de tous les temps peut saisir le sens, n’est-il pas vrai ? Oui, mais il faut une bouche de barbare pour la proférer.