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Lady Macbeth, ne s’explique pas seulement par la terreur résultant du meurtre commis, il s’explique aussi par l’isolement résultant de l’inégalité des conditions. Les deux époux sont seuls à porter le poids de leur crime, comme ils ont été seuls à en concevoir la pensée. Avez-vous jamais réfléchi à l’effroyable puissance que devaient prendre les sentiments humains chez des êtres soumis à l’isolement de la vie féodale ? Personne, pour conseiller et retenir cette âme qui s’exalte sans contrainte et se dilate violemment pour peupler d’elle-même sa solitude. Les égaux de cet homme sont au loin, isolés comme lui, et il n’a de relations avec ceux qui l’entourent que celles du commandement. Si dans cette solitude créée par l’isolement et l’inégalité, il vient à se passer un acte de violence, une scène de colère ou de meurtre, la terreur répond du secrel. Cette terreur remonte bientôt des inférieurs aux criminels eux-mêmes, et double la force de leurs angoisses. Ils voient l’effroi qu’ils inspirent, et ils prennent peur d’eux-mêmes. Comme il n’y a eu personne autour d’eux pour les retenir avant le crime, il n’y a personne pour les rassurer après le crime. À qui d’ailleurs voudraientils se confier ? La sécurité de leur puissance, et, mieux que cela, l’honneur de leur nom, sont attachés à ce fatal secret. Les lèvres restent donc closes par un effort volontaire ; mais la conscience, qui s’irrite de cette tyrannie de la volonté, s’agite intérieurement avec violence, et cherche en tous sens une issue pour ses tempêtes. Alors le remords s’objective et prend une forme saisissable ; la conscience dédouble l’homme et met l’objet de ses préoccupations en face de lui comme un autre lui-même.

« Voilà l’explication de ces soupirs qu’on entend pousser au châtelain lorsqu’il se promène seul durant les heures du soir ! Voilà l’explication de ces tressaillements soudains et de ces yeux qui deviennent subitement hagards comme s’ils étaient effrayés d’un objet que d’autres yeux.