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mais celle de son temps et de son pays ; il porte la marque de la race dont il est issu. Mesurez la distance qui sépare l’intensité des passions septentrionales, tout intérieures et morales d’Hamlet, de la violence et de l’exubérance tout extérieures qui distinguent les passions méridionales de Roméo et Juliette et d’Othello. Non-seulement Shakespeare observe exactement les différences qui séparent les groupes généraux de notre famille européenne, mais il observe les caractères plus particuliers encore de la province, de la tribu. Il ne peint pas seulement le Celte en général, il peint aussi le Gallois ou l’Écossais.

« Le Glendower de la première partie d’Henri IV est un Celte comme Macbeth, mais quelle différence de nature il y a entre eux ! Pour peu qu’on y regarde, on s’aperçoit qu’ils ont en commun tous les défauts et toutes les qualités qui constituent l’âme de leur race ; la violence, la : crédulité, la promptitude à l’irritation et l’effroi, l’amour des coups de main aventureux, et cette espèce de poltronnerie qui s’allié si bien à la bravoure, qui distingua de tous temps : les Celtes, et d’où naissent les terreurs paniques. Mais si les âmes sont de même substance, la forme est bien différente. Ce Glendower ne fait pas un plus grand contraste avec son allié momentané l’Anglo-Normatid Hostpur qu’avec Macbeth, son cousin par les liens de la race. Glendower, c’est le Gallois poétiquement superstitieux et poétiquement loquace, hyperbolique, mélancolique, sérieusement bravé malgré ses vantardises, quelque chose comme un Gascon qui serait mélangé d’Armoricain. Macbeth n’a aucun de ces défauts aimables et rien de cette physionomie sympathique. C’est le Celte vu sous son aspect le plus sombre, et sous sa forme la plus odieuse ; c’est l’Écossais encore à l’état barbare, sauvage comme ces bruyères où il a établi son nid de brigand, indiscipliné, turbulent, éternel révolté et éternel oppresseur, factieux la veille, tyran le lendemain, transformant en