Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1870, tome 7.djvu/422

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Brutus. — Quel être émoussé il est devenu ! Lorsqu’il était à l’école, il n’était qu’entrain et vivacité.

Cassius. — Et tel il est encore, lorsqu’il s’agit d’exécuter quelque entreprise noble et hardie, en dépit des formes lourdes qu’il affecte. Cette rudesse est la sauce de son bon sens, et sert aux gens de stimulant pour avaler ses paroles avec un meilleur appétit.

Brutus. — C’est vrai. Je vais vous laisser pour l’instant : demain, s’il vous plaît de causer avec moi, j’irai vous trouver chez vous ; ou si vous le préférez, venez me trouver chez moi.

Cassius. — C’est ce que je ferai : — jusque-là pensez au monde. (Sort Brutus.) Oui, Brutus, tu es noble ; cependant je vois que le métal d’honneur dont tu es formé peut être travaillé de manière à perdre ses affinités premières : il est vraiment convenable que les nobles esprits tiennent toujours compagnie avec leurs pareils ; car qui donc est si ferme qu’il ne puisse être séduit ? César ne peut me supporter ; mais il aime Brutus : si moi j’étais maintenant Brutus, et que lui fût Cassius, il ne m’influencerait pas. Je vais cette nuit jeter à ses fenêtres des billets d’écritures différentes, comme s’ils venaient de divers citoyens, tous se rapportant à la grande estime en laquelle Rome tient son nom, et où seront faites, sous forme obscure, des allusions à l’ambition de César : après cela, que César se tienne ferme sur son siège ; car nous l’ébranlerons, sinon il nous faudra supporter de pires jours. (Il sort.)



Scène III

Rome. — Une rue.


Tonnerre et éclairs. Entrent de côtés opposés, CASCA, son épée nue à la main, et CICÉRON.

Cicéron. — Bonsoir, Casca : avez-vous ramené César chez lui ? pourquoi êtes-vous essoufflé ? et pourquoi tressaillez-vous ainsi ?