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dessus de la sphère de la terre par l’élévation naturelle de son âme et la volupté du triomphe. Les longues luttes ont pris fin, les obstacles ont disparu l’un après l’autre ; ce n’est plus un héros, c’est un Dieu, et il parle comme un être désormais exempt des servitudes de la condition humaine et pour qui l’apothéose a déjà commencé. « Les prières pourraient m’émouvoir si j’étais moi-même de nature à prier pour émouvoir : mais je suis constant comme l’étoile du Nord, qui pour l’immobilité et la fixité n’a pas son égale dans le firmament. Les cieux sont émaillés d’innombrables étincelles, toutes sont de feu et chacune d’elles est brillante ; mais de toutes il n’y en a qu’une seule qui garde sa place : il en est ainsi du monde, — il est amplement fourni d’hommes, et ces hommes sont de chair et de sang, susceptibles d’être émus ; cependant dans le nombre j’en connais un, mais un seul, contre lequel nul assaut ne peut prévaloir, et qui garde sa position sans être ébranlé par aucun mouvement, et cet homme c’est moi… » À vrai dire, dès l’origine il y eut toujours un Dieu dans César, ainsi qu’en témoignent ces paroles lorsque tout jeune encore il prononça l’éloge funèbre de sa tante Julie : « La famille de ma tante Julie, d’un côté remonte aux rois, de l’autre aux Dieux immortels. Ancus Marcius est la tige des rois Marcius et tel fut le nom de sa mère. C’est de Vénus que descendent les Jules, et notre famille est de leur race. Ainsi notre maison réunit à la sainteté des rois qui sont les maîtres des hommes, la majesté des Dieux qui sont les maîtres des rois. » Ce Dieu qui était en lui d’abord enveloppé dans l’homme s’était dégagé peu à peu, et restait à peu près seul, lorsque les simples fils de la terre, nouveaux Titans, osèrent se soulever contre le nouveau Jupiter. C’est à cette époque qu’il prononçait des paroles comme celles-là : « La république n’est qu’un nom sans réalité, Sylla en savait bien peu puisqu’il a abdiqué la dictature. Il faut désormais que l’on me parle avec plus