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de lui représenter mes souffrances, et elle en sera touchée à cause de ta jeunesse, plus qu’elle n’en serait touchée si ce récit lui était fait par un ambassadeur de plus grave aspect.

Viola. — Je ne le crois pas, Monseigneur.

Le Duc. — Crois-le, cher enfant, car ils calomnient tes heureuses années, ceux qui disent que tu es un homme : la lèvre de Diane n’est pas plus douce et plus rosée que ta lèvre ; ta petite flûte de voix est comme l’organe d’une jeune fille, perçante et sonore, et tout en toi ressemble à une femme. Je sais que ton étoile te rend propre à cette négociation. — Que quatre ou cinq d’entre vous l’accompagnent ; tous si vous voulez, car je suis d’autant plus heureux que je suis moins en compagnie. Réussis en cette affaire, tu vivras dans la même indépendance que ton maître et tu pourras nommer sa fortune la tienne.

Viola. — Je ferai de mon mieux pour courtiser votre bien-aimée. (À part.) C’est cependant un grand effort sur moi-même : il me faut faire la cour pour lui et je voudrais être sa femme. (Ils sortent.)


Scène V

Un appartement dans la demeure d’Olivia.
Entrent MARIA et LE BOUFFON.

Maria. — Voyons, dis-moi où tu es allé, ou bien je n’ouvrirai pas mes lèvres pour t’excuser, même de la largeur qu’il faudrait pour y faire passer un poil ; Madame te fera pendre pour ton absence.

Le Bouffon. — Qu’elle me fasse pendre : celui qui est bien pendu en ce monde ne craint plus aucun drapeau.

Maria. — Explique cela.

Le Bouffon. — Il n’en verra plus aucun pour lui faire peur.

Maria. — Bonne réponse de carême : je peux te dire