22 COMME IL VOUS PLAIRA.
CÉLIA. — Un divertissement ! de quelle couleur ?
LEBEAU.— De quelle couleur, Madame ? comment d’oisje vous répondre ?
ROSAIINDE. — Comme le voudront l’esprit et l’occasion.
PIERRE DE TOUCHE. — Ou comme "en décideront les destinées.
CÉLIA. — Bien dit ; appliqué comme avec une truelle.
PIERRE DE TOUCHE. — Parbleu, si je renonçais à la parole....
ROSALINDE. — On ne sentirait plus ta mauvaise haleine.
LEBEAU. —-Vous m’embarrassez, Mesdames : je voulais "vous parler d’une belle lutte dont vous avez perdu le spectacle.
ROSALINDE. — Eh bien, racontez-nous toujours comment la lutte s’est passée.
LEBEAU.— Je vais vous en dire le commencement, et s’il plaît à Vos Seigneuries, vous pourrez en voir la fin ; car le plus fort reste à faire, et c’est ici, à la place où vous êtes, qu’ils viennent pour l’accomplir.
CÉLIA. — Bien, voyons le commencement, ce qui est mort et enterré.
LEBEAU. — Voici venir un vieillard et ses trois fils....
CÉLIA. — Je. pourrais souder ce commencement à un vieux conte.
LEBEAU. — Trois beaux’jeunes gens, bien taillés, se présentant supérieurement.
ROSALINDE. =—Avec desécriteauxà leur cou : Qu’il-soit connu de tous par ces présentes....
" LEBEAU. — L’aîné des. trois a lutté- avec Charles, le lttleur du duc ; en un instant Charles l’a eu renversé et ill’ui a brisé trois côtes, si bien qu’il y a peu d’espoir de le saaver. ; il a servi le second de lajnême manière, et aussi le troisième. Ils gisent là-bas, renversés, et le pauvre vieïlard leur père fait sur leurs cadavres de telles lamentatiors, que tous les spectateurs pleurent de concert avec lui.
ROSALINDE.—Hélas !
PIERRE DE TOUCHE. — Mais en tout cela, .Monsieur, m est le divertissement que les dames ont perdu ?