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ACTE I, SCÈNE I. 17

son oncle ne la chérit pas moins, que sa propre fille, et jamais deux dames ne se sont autant aimées.

OLIVIER. — Où vit le vieux duc ?

CHARLES. — On dit qu’il est déjà dans là forêt des ArdLennes, avec plus d’un joyeux compagnon, et-qu’ils vivent là à la manière du vieux Robin Hood d’Angleterre 2. On dit aussi que bon nombre de jeunes gentilshommes vonf chaque jour le rejoindre et qu’ils passent le temps sans souci, comme on faisait dans l’âge d’or.

OLIVIER, — Eh bien, luttez-vous demain devant le nouveau duc ?

CHARLES. — Oui vraiment, Monsieur, et je venais vous informer d’une certaine chose. On m’a donné secrètement à entendre que votre plus jeune • frère Orlando se dispose à venir déguisé s’essayer contre moi. Ma réputation, Monsieur, est engagée dans cette lutte de demain, et celui qui sortira de mes mains sans quelque membre brisé, pourra s’estimer fort heureux. Votre frère est encore jeune et délicat, et par affection pour vous, j’aurais regret de le casser, comme mon honneur m’obligera à le faire, s’il entre en lutte avec moi. Aussi, par affection pour vous, je viens vous avertir d’avoir à le détourner de son projet, ou d’avoir à prendre tranquillement le malheur qui pourra lui arriver, lequel malheur est une chose qu’il recherche de son plein gré et qui est entièrement contre ma volonté.

OLIVIER. — Charles, je te remercie pour l’amour que tu me montres, et je te prouverai que je te suis reconnaissant. J’ai eu vent moi-même du projet de mon frère et j’ai fait sous main des efforts pour l’en dissuader, mais en vain. Je dois te dire, Charles, qu’il est le plus têtu jeune homme qu’il y ait en France ; plein d’ambition, émule envieux de tout ce qu’il y a de bon en chacun, il conspire secrètement et méchamment contre moi, son frère par la nature : par conséquent, uses-en à ton bon plaisir. Il m’est aussi égal que tu lui brises le cou que le doigt : et tu feras bien d’y prendre garde ; car si tu ne lui infliges qu’une légère défaite, ou s’il n’obtient pas sur