176 LES GENTILSHOMMES DE VÉRONE.
SCÈNE IL
Milan. — "On appartement dans le palais du duc.
Entrent THURIO, PROTÉE et JULIA.
THURIO. — Messire Protée, que répond Silvia à mon message amoureux ?.
PROTÉE. — Oh ! Messire, je l’aï trouvée mieux disposée qu’elle n’était, et cependant elle a des objections contre votre personne.
THURIO.— Quelles objections ? que j’ai la jambe trop longue ?
PROTÉE. — Non, qu’elle est trop petite.
THURIO. — Je porterai des bottes, pour la faire un peu plus ronde.
JULIA, à part. — Oui, mais l’amour ne se laissera pas éperonner par ce qu’il déteste.
THURIO. — Que dit-elle de mon visage ?
PROTÉE. — Elle dit qu’il est d’une grande blancheur.
THURIO. — En cela, elle ment, l’espiègle. Mon visage est brun.
PROTÉE. — Mais les perles sont blanches, et cependant vous connaissez le vieux dicton : « Les hommes bruns sont des perles aux yeux des belles dames. »
JULIA, a part. — C’est vrai ; des perles comme celles-là arrachent les yeux des dames, car j’aimerais mieux fermer les miens que de les regarder.
THURIO. — Goûte-t-elle ma conversation ?
PROTÉE. ■— Peu lorsque vous parlez de la guerre.
THURIO. — Mais beaucoup sans doute lorsque je parle d’amour et de paix ?
JULIA, à, part. — Mais davantage, encore, lorsque vous vous tenez : en paix.
THURIO. •—Que dit-elle de ma valeur ?
PROTÉE. — Oh ! Messire, elle ne la met pas en question.