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SCÈNE I.

Un juge de paix peut parfois être bien aise qu’un parent lui prête son valet… Je ne garde que trois valets et un page, jusqu’à ce que ma mère soit morte. Mais qu’importe ! en attendant, je vis comme un pauvre gentilhomme de naissance.

anne.

Je ne puis entrer sans vous, monsieur ; on ne s’assoiera pas que vous ne veniez.

slender.

En vérité, je ne veux rien manger ; je vous remercie autant que si je mangeais.

anne.

Je vous en prie, monsieur, entrez.

slender.

J’aime mieux me promener ici, je vous remercie. Je me suis meurtri le tibia l’autre jour en faisant des armes avec un maître d’escrime. Trois bottes pour un plat de pruneaux cuits ! Et, ma foi, depuis lors je ne puis supporter l’odeur d’un mets chaud… Pourquoi vos chiens aboient-ils ainsi ? Est-ce qu’il y a des ours dans la ville ?

anne.

Je crois qu’il y en a, monsieur, je l’ai entendu dire.

slender.

J’aime fort ce divertissement-là ; mais je m’y querelle aussi vite que qui que ce soit en Angleterre… Vous avez peur, si vous voyez l’ours lâché, n’est-ce pas ?

anne.

Oui, vraiment, monsieur.

slender.

Eh bien, maintenant, c’est pour moi boire et manger ; j’ai vingt fois vu Sackerson lâché (5) ; je l’ai même pris par la chaîne ; mais je vous garantis que les femmes jetaient des cris inimaginables. Mais il est vrai que les